Il y a 40 ans cette année, BMW lançait la M5, la version de performance de sa berline intermédiaire de Série 5. La critique avait alors été unanime ; Munich venait d’accoucher de la sportive familiale par excellence.
Quatre décennies et sept générations plus tard, on a droit à la plus récente cuvée du modèle qui, vous le devinez, repousse les limites de la performance à un autre niveau.
La question qu’on doit se poser est la suivante : à quel prix ? Et l’on ne parle pas de la facture ici, conséquente avec ce type de modèle. Et franchement, elle n’est pas si exorbitante considérant ce que l’on obtient en retour.
Plutôt, le prix auquel nous faisons référence a trait à l’essence même du modèle, à son ADN, aux sensations qu’il procure. Certes, cette nouvelle M5 est une bête à tous les chapitres, comme nous allons bientôt le voir, mais que livre-t-elle vraiment aux puristes de la performance, outre une fiche technique qui fait saliver ?
Examinons le tout ensemble.
Design et configuration
BMW a fait face à de nombreuses critiques ces dernières années avec le design de ses véhicules. La marque est prisonnière de sa signature composée de naseaux à l’avant, et en tentant de la réinventer, elle s’est parfois égarée.
Avec cette M5, l’exercice est mieux réussi avec une évolution plus traditionnelle que révolutionnaire. On remarque bien la présence des nasaux, mais plutôt que d’être décorés de lamelles verticales, ils sont remplis de panneaux et d’ouvertures. Et parlant d’ouvertures, celle au bouclier est massive ; disons que tout l’attirail qui se cache sous le capot a besoin d’air frais ; de beaucoup d’air frais.
À l’arrière, c’est sobre, mais de bon goût, avec des feux effilés et quatre gros embouts d’échappement qui trahissent la nature bestiale de cette M5.
Et oui, pour ceux qui ont suivi le dossier, la variante familiale du modèle sera proposée chez nous. On salive à l’idée.
Hybride rechargeable
Signe des temps, cette nouvelle M5 profite d’une approche hybride rechargeable. BMW fait appel à la cinquième génération de sa technologie pour l’occasion. Grâce à la présence d’une batterie de 14,8 kWh, le système fournit une quarantaine de kilomètres de conduite tout électrique ; les chiffres officiels restent à confirmer.
Le moteur à essence, un V8 biturbo de 4,4 litres, propose à lui seul 553 chevaux et 577 livres-pieds de couple. Surtout, avec la puissance du moteur électrique, chiffrée à 194 chevaux et 207 livres-pieds de couple (avec une pointe à 332 livres-pieds), ça permet de pousser la prestation totale à un combiné de 717 chevaux et 738 livres-pieds de couple.
Des données orgiaques pour quiconque aime la performance. Sans surprise, tout cela se traduit par un temps canon au 0-97 km/h, soit 3,4 secondes.
Mais qu’en est-il des sensations ? Est-ce que cette nouvelle M5 procure le même genre de plaisir que son ancêtre de 1985, ou de certaines autres qui sont passées après elle, donc l’exemplaire d’il y a 20 ans, qui répondait au son d’un tonitruant V10 de 5,0 litres ?
La réponse suit, mais avant, un bref examen de ce qui se cache derrière la performance.
Une nouvelle réalité
À la lecture du communiqué de presse de BMW relatant de quoi se compose la nouvelle M5, une chose saute aux yeux ; une armée de logiciels est appelée à contrôler une multitude de fonctions et de réglages du véhicule.
La mécanique a beau être un V8, elle profite de technologies visant à optimiser son rendement. Par exemple, le moteur profite d’un système intégré de contrôle de la température. Ce dernier gère aussi la température de la transmission, du moteur électrique et de la batterie haute tension afin de garantir des conditions de fonctionnement idéales pour la technologie du système d’entraînement en cas de forte demande de puissance, sur de courts trajets et en conduite urbaine.
Quelque part dans le communiqué, on nous explique qu’un « processus optimisé de séparation de l’huile doté d’un impacteur variable améliore les performances du moteur en matière d’émissions » et qu’un conduit double d’admission d’air permet de réduire les pertes de pression et d’améliorer l’acoustique grâce à des amortisseurs de bruit placés près du moteur.
On est loin d’une simple mécanique.
Du côté de la batterie, le réglage eControl permet de maintenir la charge haute tension à un niveau constant pendant le trajet ou de l’augmenter en récupérant de l’énergie ou en augmentant délibérément les points de recharge du moteur à combustion.
Nous pourrions continuer longuement. La M5 compte également sur une suspension adaptative, des réglages électroniques pour les modes de conduite qui transforment le comportement du véhicule, une fonction Boost qui permet de profiter d’un surplus de puissance pour de courts moments, deux réglages pour l’assistance de la direction, une pression de freinage qui est déclenchée par un actionneur électrique, la liste est interminable.
Le but n’est pas de vous ennuyer ici, mais de vous faire réaliser ceci ; cette nouvelle M5 est un ordinateur sur roues, rien de moins. Ça s’accompagne d’une série d’avantages sur le plan de la performance, mais le prix à payer, c’est que la sensation n’est pas aussi réelle qu’on le souhaiterait ; on y revient.
L’équipement
À 145 000 $ et des poussières, on devine que l’équipement est complet. La M5 est livrée avec des pneus décalés, soit 20 pouces à l’avant, 21 à l’arrière. Les roues à cet endroit sont directionnelles, pour aider avec les manœuvres à basse vitesse, mais aussi les dépassements et les exécutions à plus haute vitesse. En virage, le différentiel fait en sorte que la roue extérieure tourne plus rapidement pour une tenue de route plus sure est plus solide. Et voilà, un autre exemple de l’électronique qui gâte ce modèle.
À l’intérieur, la présentation est en lien avec ce qu’on a vu chez BWM ces dernières années, soit une planche de bord dominée par ces écrans unis de 12,3 et 14,9 pouces qui servent pour le bloc d’instruments et le système multimédia. C’est une question de goûts, mais nous sommes loin du panache offert par les cadrans analogiques des modèles d’alors.
Quant aux contrôles physiques, ils sont rares dans la cabine. À la console centrale, on trouve surtout des touches à retour haptique, tandis que tout ce qui concerne la climatisation, les sièges chauffants et l’audio se dévoile à l’écran central.
Une chaîne audio Bowers & Wilkins nous attend avec 18 haut-parleurs pour chatouiller et dorloter nos oreilles. Ceux situés dans les portières (et recouverts d’un fini métallique) sont même éclairés. La navigation, incluse, est basée sur le nuage et fournit en temps réel les informations reliées aux conditions routières et de circulation.
Le rouge dominait la thématique à bord du modèle essayé, mais il est aussi possible d’opter pour le noir, ou encore un mélange mariant le noir au gris ou à l’orangé. Un immense toit ouvrant panoramique (33 pouces sur 32 pouces) vient ajouter la luminosité voulue. Il est aussi possible d’opter pour l’ensemble carbone qui ajoute un toit fait de ce matériau, et qui réduit le poids du véhicule de plus de 66 livres. Il compose également les coques de rétroviseurs et l’aileron arrière.
Pour l’extérieur, là, vous avez l’embarras du choix. Un blanc non métallique, neuf teintes métalliques (0 $ à 6000 $), ainsi que 18 autres en option (5000 $ à 6000 $, selon le coloris) sont à votre disposition.
Au volant
Et qu’est-ce que ça donne sur la route, ainsi que sur la piste ?
Vous le devinez certainement, le niveau de performance est optimal.
Sur la piste, outre la poussée qui est extraordinaire lorsqu’on enfonce l’accélérateur, c’est la légèreté de la direction qui impressionne. On guide la voiture avec une facilité déconcertante, persuadés qu’on a petite M3 entre les mains. Le modèle s’accroche au bitume avec une assurance un peu baveuse, osant même nous laisser croire que les lois de la gravité n’ont plus d’impact. Et même là, la voiture est à ce point intelligente qu’elle va sentir tout début de dérobade pour nous ramener sur le droit chemin.
C’est en tout point très renversant.
Et sur la route, vous pouvez trouver la M5 qui vous plaît en jouant avec les modes de conduite. Le confort est parfait, la tenue de route est évidemment solide et l’on avale les kilomètres en savourant chaque instant. La puissance est bien gérée par la boîte de vitesse à huit rapports, mais le couple est tellement important qu’à l’arrêt, lors d’un virage à droite ou à gauche sur une surface mouillée, le train arrière cherche à patiner, même si l’on ne fait qu’effleurer la pédale de droite.
Ça rend la gestion de cette puissance sur le sec d’autant plus impressionnante. La voiture veut tout arracher, mais les aides électroniques font de cette brute une machine très civilisée.
Conclusion
Enivrant ? Oui, mais pour ceux qui ont connu le plaisir de conduire de vieilles M5 ou M3, on reste sur notre appétit. Pas en raison du manque de performance, mais en raison des sensations, qui s’en trouvent diluées.
Et n’est-ce pas la raison première pour laquelle on se procure ce genre de modèle ?
La M5 est extraordinaire, mais elle gagnerait par moment à être plus ordinaire, pour nous faire vibrer davantage.