Pendant que le pays jongle avec un hiver particulièrement froid et enneigé, le gouvernement du Québec aura déposé un nouveau projet de loi ayant comme but de devancer la date butoir de pose de pneus d’hiver au 15 novembre, soit un mois plus tôt que la loi actuelle.
Sur papier, l’idée semble avoir beaucoup de bon. Par contre, et en réalité, cette nouvelle loi fera bien plus de tort que de bon. Cette histoire s’applique à toutes les Provinces qui pourraient envisager la mise en place d’une loi similaire pour ses citoyens.
La raison principale qui pousse le gouvernement libéral à présenter un tel amendement et le fait que l’ensemble des automobilistes se base sur une date pour passer aux pneus d’hiver, et non aux conditions climatiques comme il se doit. La majorité d’entre vous a surement lu un jour que le caoutchouc des pneus d’été manque d’élasticité à 7 degrés Celsius. Autrement dit, ils perdent leurs capacités de bien adhérer au bitume.
Avant l’amorce de la loi, plus de 90% des Québécois circulaient en saison hivernale chaussée de pneus conçus pour ces conditions routières. Il n’y avait rien de sorcier; on prenait un rendez-vous chez un spécialiste pour une pose de pneus. Si, lors de la venue du rendez-vous, les conditions de route étaient peu favorables, on s’armait de patience et de prudence derrière le volant. Les garages pouvaient céduler les consommateurs et remplir leurs inventaires de pneus en vue de la demande à venir. Depuis la mise en place de la loi, les affaires sont très différentes.
Du jour au lendemain, les garages se sont retrouvés débordés, ayant moins de semaines, jours et heures pour satisfaire les demandes de leurs clientèles. Les contraintes de la loi ont poussé les garages à augmenter non seulement leur main d’œuvre, mais les heures de travail et même perdre des clients. Je me suis rendu chez un spécialiste en pneus quelques jours après le 15 décembre et disons que l’endroit semblait presque abandonné.
Parmi les multitudes complications qui sont survenues suite à cette loi est que malgré la présence de millions de voitures sur les routes du Québec, nous ne sommes qu’un minuscule marché parmi tant d’autres pour les manufacturiers de pneus. La demande explosive de dernière minute pour des pneus d’hiver est difficile à gérer pour toutes les entreprises, en passant par les entrepôts et les garages. Ceci cause des pénuries de marques, modèles et mêmes dimensions de certains pneus. Une telle situation pousse les consommateurs vers l’achat de pneus de moindre qualité ou même de prolonger l’utilisation de leurs pneus actuels usés.
En fin de compte, devancer la date butoir n’augmentera en rien la sécurité routière. Plus précisément, un plus grand nombre de conducteurs risquent de circuler sur des pneus trop usés l’hiver, d’acheter que des pneus d’hiver et de s’en servir à longueur d’année ou de se procurer un produit moins efficace. Dans certains cas, la révision projetée pourrait empêcher un nombre d’automobilistes de se déplacer légalement en raison de l’indisponibilité de certaines dimensions.
Prétendre qu’avancer la date limite pour l’installation des pneus d’hiver au 15 novembre ou même au 1er décembre au nom de la sécurité sur les routes est mal mener le public. Les consommateurs seront plus aptes à prendre de moins bonnes décisions. Plus important encore, les risques de blessures en milieu de travail chez les garagistes risquent d’augmenter. Ce phénomène est déjà connu chez ces derniers et s’ils se retrouvent avec un mois de moins « en banque » pour bosser, on peut s’attendre à plus d’accidents.
Nous croyons fermement que la date limite actuelle du 15 décembre ne doit pas changer. Pour les autres Provinces qui étudient la possibilité d’introduire une telle loi, assurez-vous de bien prendre note de notre expérience. On va tous se sentir plus en sécurité.